Piste D10: un début de campagne polaire pour un été fleuri de lumières

En cet an de grâce 27 octobre 2021, l’avion affrété pour le transport de campagnards et d’hivernants vers DDU est en passe de décoller de Hobart pour la station italienne Mario Zucchelli et ensuite rejoindre la Piste D10 à 8,5 kilomètres de DDU (10 kilomètres par voie terrestre) et 300 mètres d’altitude.

Cette piste est préparée par l’équipe technique de DDU les semaines précédent l’arrivée prévue de l’avion, un Besseler à deux moteurs à hélices, capable de se poser dans les conditions les plus hasardeuses au monde.

Il s’agit de la niveler afin d’éliminer les sastrugi qui ne manquent pas de se former à la faveur des épisodes de vent catabatiques qui soufflent la neige en des sculptures diverses typiques des régions polaires.

Mon travail à consisté à mettre en place le mât vent et le système de mesure du vent afin de collecter ces données météorologiques permettant au pilote de décider du décollage de l’avion de Mario Zucchelli et pour l’asseoir d’informations utiles à l’atterrissage.

La tension est au maximum sur la base pour préparer cette piste selon les meilleures modalités possibles de sécurité et pour permettre aux nouveaux arrivants de prendre pied sur une base accueillante.

Après leur arrivée à D10, où la vue est superbe sur l’océan, la banquise, le glacier l’Astrolabe et le continent, quelques campagnards prendront place dans la base Robert Guillard (du nom du célèbre assistant de Paul-Emile Victor lors de ses explorations polaires en Arctique au Groenland et en Antarctique en Terre Adélie) tandis que les autres passagers seront accueillis à Dumont-d’Urville pour commencer leur travail, qu’il soit de nature logistique ou scientifique.

L’hivernage proprement dit prendra fin pour voir débuter la campagne d’été. Le navire Astrolabe est prévu d’arriver dans quelques semaines avec des produits frais, avec le courrier attendu par tous depuis R2 ou R3 au début de l’année et de nouveaux campagnards et personnels hivernants de la TA72.

Le jour pointe son museau, tel un phoque avide de repos et qui hume l’air frais depuis son trou dans la banquise, à partir de 2H30 du matin pour un lever solaire vers 5h00. L’été est présent pour nous, pour qui, des températures autour de -5°C en journée en absence de vent correspondent à un sentiment de surchauffe excessive si nous revêtons notre parka.

Mes tableaux n’ont que peu le loisir d’avancer étant donné le rythme soutenu des activités sur base mais les idées prennent forment peu à peu.

Nous avons fêté la semaine passée l’anniversaire de notre départ de Paris le 14 octobre 2020.

Les bébés phoques de Weddell, veaux de mer, naissent en masse sur la banquise alentour et plusieurs dizaines sont déjà comptabilisés par le programme 109 du laboratoire de Chizé.

La banquise elle, recule chaque semaine un peu plus pour laisser place à la polynie à une encablure de DDU.

Les manchots adélies sont arrivés en grand nombre depuis une semaine, les femelles ont rejoint les mâles sur les nids préparés en amoncellements circulaires de petits cailloux. La neige a décoré l’île d’une blancheur candide qui, à la faveur du soleil puissant, commence déjà à laisser place aux rochers bien connus des adélies qui savent bien qu’ils sont sous la neige où les petits cailloux tant espérés les attendent.

Le trou d’ozone a fait une percée vers nous ces deux derniers jours et un nouvel épisode de manque de la fameuse molécule de trioxygène salvatrice de la stratosphère viendra poindre au-dessus de nos têtes au début du weekend prochain, ce sera l’occasion d’un lâcher de sonde de mesure d’ozone vendredi soir. Un article précédent sur ce blog en expose les tenants et aboutissants.

Le soir est propice au bilan mais aussi aux projets. Si le ciel offre ses tonalités paisibles de la palette crépusculaire après l’intense clarté blanche de la journée adélienne, c’est sans doute aussi le moment de ressentir l’ambiance, le vent qui cogne dans les bâtiments, les adélies qui, à la faveur d’un mouvement, se querellent pour un caillou ou une place gardée avec véhémence, ou simplement par le truchement d’un vol de pétrel des neiges dessinant son tracé éphémère et suggéré d’un vol parfaitement limpide et maîtrisé.

Tout écosystème naturel si pleinement équilibré adjoint la prose de sa beauté sauvage ou astrale à nos sens, telle une ressource sacrée qui nourrit d’une saveur exquise les pensées et les poèmes dans le coeur de qui sait voir, de qui prend le temps de s’offrir du temps.

Aucune pensée n’est seule et il suffit de respirer ce qui ne peut plus être vu pour revivre, un instant la beauté d’un monde si éphémère en soi, comme un rêve qui s’évanouit au second souffle qui vient.

Manchotière de manchots?

Les manchots adélie commencent à arriver, les premiers ont posé leurs pattes sur l’île des Pétrels hier, dimanche 10 octobre 2021, toujours pressés et inquiets comme à leur habitude.

La manchotière d’empereurs se déplace au gré des tempêtes qui les amènent à se câler aux abords de l’île des Pétrels. Les tempêtes induisent des pertes de poussins dans la colonie au bonheur des pétrels géants qui s’en nourrissent.

Les nuits ne durent plus que 6 heures.

La banquise se relâche un peu et la mer n’est plus qu’à deux kilomètres de la base en son nord. L’île du débarquement est en eau ainsi que nombre d’îlots qui lui sont proches.

Les manipes de transpondage des phoques se déroulent bien, Camille l’ornitho-écologue suivant les prérogatives du programme 109 du CNRS. Son blog est sur le site de l’Amaepf.

Cette photo date d’il y a un mois devant la manchotière d’empereurs qui se décline en plusieurs groupes espacés de 50 à 100 mètres les uns des autres entre l’île des pétrels, la piste du Lion, Bernard et Lamarck.

Les premiers avions doivent arriver fin octobre et l’Astrolabe mi-novembre.

Les volatiles aptes au vol actuellement présents sont les pétrels des neiges, les fulmars antarctiques et les pétrels géants.

Une petite note de musique, Pascal parlait du silence terrifiant des espaces infinis, ici il s’agit plutôt du vrombissement persistant des espaces Venturi…les tempêtes se succèdent et amènent quelque humilité dans les esprits humains.

Un flocon survole DDU, il passe à 150km/h ou plus…sans se soucier des agitations mentales qui frémissent sous sa structure dendritique, un autre le dépasse, des millions s’égrènent, paraît-il tous différents mais qui les a tous regardés?

Dureste, nul espoir d’y arriver, certains il faut l’avouer se ressemblent fort et si la nature sait offrir une diversité que l’humain a peine à imaginer ou à découvrir, il y a bien des jumeaux flocons qui passent inaperçus au-dessus de l’esprit des l’Homo sapiens. Ces structures-soeurs pourront être rapprochés des esprit-frères des humains qui lorsqu’ils ouvrent les yeux et leur coeur se reconnaissent comme une seule fraternité.

Mickito

11 octobre 2021

polarité poétique

Le firmament n’est probablement pas en haut des montagnes ni dans les espaces intersidéraux, il se situe à l’intérieur de soi où nul ne peut entrer, où nul ne peut ne peut comprendre l’esprit que l’on porte en soi. Sauf? sauf à permettre la résonance par l’ouverture de l’âme, il y a des êtres sur Terre avec qui tout est facile, avec qui l’accord est simple, naturel et immuable, la personnalité peut jouer sur des aspects factices propres à l’égo et à des réminiscences éducatives ou culturelle, qu’elles soient tribales ou élargies à un peuple, mais la même trame joue dans ces êtres-là.

Je m’insinue, au gré du vent polaire qui souffle inlassablement comme un éternel fossoyeur d’orgueil et qui, ambivalence du lieu, forge par l’appropriation, quelque peu, les esprits dans la vanité de cette polarisation unique qu’offre l’exploration polaire.

Dans le sens commun le bonheur est l’assouvissement des désirs, le mien sera toujours soumis à cette loi tranchée du réel qui a supprimé la plus grande beauté de ce désir d’accompagner l’un des miens.

En apparence cela est, en réalité émerge une autre cohérence, une autre possibilité, celle du lien indéfectible qui par-delà les éléments de la physique factuelle m’octroie l’articulation d’un chemin que nul ne saura décrypter. Il en est ainsi, la solitude ne se partage qu’avec ceux qui ont reçu l’initiation. Dans ce cas la transformation de cette solitude s’appellera une résonance, une compréhension inhérente au phénomène tel qu’il s’inclue en nous.

les seuls initiés comprendront à cela toute la trame qui tisse le mouvement d’un sens, d’un horizon. Il n’est pas question ici de techniques, de rites, de procédés mais de simple conscience des sources, source du vent, source du mouvement, source du temps, source du cœur.

Posséder au sens courant n’est pas avoir mais croire que l’on a, la vraie possession est dans l’être lui-même, dans ce mouvement d’âme qui permet de dire « Je suis » comme « il est ».

Le beau n’est pas visible, il se rend visible, le laid n’est pas visible il s’octroie une visibilité, la réalité est bien au-delà des pensées et des sens, elle est un, comme l’esprit est un avec le phénomène.

Il n’a pas pas de matière mais des phénomènes et cela amène l’esprit à concevoir une représentation alors qu’il n’y en a pas, la matière n’étant pas…matière mais phénomène.

On dit souvent qu’un individu est un phénomène, c’est sans doute le moyen de percevoir cette subtilité, ce qui est intangible et n’existe qu’en tant que « couleurs d’influence » qui n’entre ni dans un cadre logique ou mathématisable (fonction) ni dans un cadre culturel ou même poétique, c’est encore bien au-dessus de cette légèreté du sens, on se situe alors dans l’absolu, au sens de vérité source du mouvement et de la conscience.

La lumière en soi.

Mickito

8 octobre 2021